L’éco-PTZ ouvert à tous les propriétaires, sans conditions de revenus, vraiment ?
La prise de parole, le 17 novembre dernier, du ministre délégué au logement, Olivier Klein, laissait entendre que le prêt à taux zéro pour les travaux de rénovation énergétique – l’Eco-PTZ – était désormais accessible à tous les propriétaires, quelles que soient leurs ressources.
En réalité, si ce prêt réglementé, financé par l’Etat sous forme de crédit d’impôt aux banques, s’adresse bien à tous les propriétaires, modestes ou aisés, ces derniers n’échappent pas aux impératifs de solvabilité traditionnels.
L’annonce du ministre, qui renvoie au couplage prévu de MaPrimeRénov’ (MPR) avec l’Eco-PTZ (plafonné à 30 000 euros), ne change rien aux règles que les banques sont tenues d’appliquer lorsqu’elles font un prêt : les échéances de remboursement de l’emprunteur doivent être inférieures à 35% de ses revenus récurrents. Si un client n’y satisfait pas, il ne pourra pas obtenir un prêt à taux zéro pour faire des travaux de rénovation énergétique.
C’est pourquoi, dans les faits, ce sont les propriétaires aux revenus intermédiaires, entre les 4e et 7e déciles, qui sont les principaux bénéficiaires de l’éco-PTZ, non les propriétaires modestes.
Le couplage MPR / Eco-PTZ vise surtout à faciliter la distribution du prêt réglementé. Désormais, les établissements de crédit n’auront plus à vérifier l’éligibilité des travaux à l’éco-PTZ et pourront se recentrer sur leur cœur de métier : l’étude de solvabilité des clients. La réforme, demandée par le secteur bancaire, est utile tant l’éco-PTZ, 15 ans après sa création, pâtit encore d’une mauvaise image dans la profession, et ce malgré de multiples aménagements.
Là où le dispositif annoncé peut malgré tout favoriser l’accès des ménages modestes à l’éco-PTZ, c’est dans la réduction du montant à emprunter. Jusqu’alors, si un propriétaire bénéficiait de 10 000 euros d’aides de l’ANAH pour un bouquet de travaux de 30 000 euros, la banque ne pouvait pas tenir compte des subventions à venir pour faire un prêt de 20 000 euros. Elle devait financer l’intégralité des travaux et proposait souvent un prêt complémentaire pour avancer les aides, dont le versement n’intervient parfois que 24 mois plus tard. En ramenant l’enveloppe du crédit au seul reste à charge, le couplage MPR / Eco-PTZ réduit mécaniquement les échéances de remboursement, permettant à des emprunteurs sur le fil de passer sous les 35% de taux d’effort.
Pour ouvrir véritablement l’éco-PTZ aux propriétaires modestes, en tout cas ceux qui habitent des passoires énergétiques et dépensent des sommes importantes pour se chauffer, il faudrait envisager les économies engendrées sur les factures énergétiques comme un élément de solvabilité, au même titre que le revenu. Notre système prudentiel n’y est pas favorable : adosser le remboursement d’un crédit sur les économies d’énergie serait trop risqué.
Rappelons alors pour finir quelques éléments:
- Dans le cas des rénovations énergétiques globales, qui traitent l’enveloppe, le système de chauffage et la ventilation du logement, la performance énergétique finale (et donc les économies correspondantes) est prévisible
- Une forte augmentation des prix de l’énergie ne grèverait pas la capacité du propriétaire occupant à honorer son crédit puisqu’elle porterait sur une facture écrasée
- Certaines sociétés de tiers financement analysent le reste à vivre (qui inclut les dépenses énergétiques) plutôt que le taux d’effort lorsqu’elles octroient un prêt à la rénovation énergétique
- Le Crédit Foncier proposait déjà il y a une quinzaine d’années une offre « Foncier Evolution Energie » fondée sur une approche « en coût global », tenant compte des économies d’énergie dans la capacité du ménage à rembourser son crédit.
Lucas Chabalier